Kalospyros Nikolaos, O Adamantios Korais os kritikos filologos kai ekdotis: Ena kefalaio stin Istoria ton klasikon spoudon stin Evropi tou 19ou aiona
 
(To chf. Chiou 490), Athina 2006, Syllogos pros Diadosin Ofelimon Vivlion
 
 
 

     Les « Στοχασμοί αυτοσχέδιοι περί της Ελληνικής παιδείας και γλώσσης […] », au contenu pédagogique, sont en grande partie l’avant-propos du Πρόδρομος της Ελληνικής Βιβλιοθήκης (1805) : comment les Grecs modernes doivent communier de la langue ancestrale, la grammaire, des questions de modernismes (barbarismes) -solécismes-emplois de mots et d’expressions fautifs-abus-archaïsmes, l’enseignement exclusif de la grammaire en tant qu’étude linguistique, la hiérarchisation des parties du discours (l’accent étant mis sur les verbes) au cours de l’enseignement, les manuels de grammaire et de syntaxe d’Apollonien et de Théodoros Gazis, la syntaxe, la thématique grecque ancienne et son application correcte, la « traduction (interprétation) » en tant que contraire des exercices à sujets, l’échec des enseignements scolaires sans méthode et ses conséquences, la question de l’insinuation d’emprunts (des langues turque, française, italienne, allemande), de vulgarité et de phénomènes de « macaronisme » (utilisation de termes recherchés, archaïsants et non consacrés) dans la langue moderne, l’enseignement simultané des langues ancienne et parlée, l’étude des anciens dialectes séparément de la dénommée Koinê postclassique, la rédaction de manuels de lecture et la sélection de textes, une anthologie indicative de textes grecs anciens à contenu moralisateur, des méthodes d’enseignement efficaces et attrayantes, l’importance de l’étude de la philosophie grecque ancienne parallèlement au cours de religion.  Les avant-propos des volumes suivants de la « Bibliothèque Hellénique » contiennent la suite des réflexions Koraïques, intitulées « Suite des réflexions improvisées sur l’éducation et la langue grecques [...]. » Dans l’édition d’Isocrate, il est question de l’art rhétorique (importance, histoire, types/genres, principaux représentants, enseignement, objectifs, conditions). Souvent, comme il le fait dans l’édition d’Isocrate, dans ses avant-propos il traite des avantages et des désavantages des éditions précédentes : bon usage des manuscrits, références compréhensibles, remarques détaillées et essentielles mais aussi prolixités et digressions étrangères.

     Dans l’avant-propos du premier volume de l’édition des Vies de Plutarque (1809), où l’on trouve également une « Ακολουθία των αυτοσχεδίων στοχασμών περί της Ελληνικής παιδείας και γλώσσης », l’intérêt que Koraïs porte à la lexicographie devient évident de même que celui concernant la diffusion de journaux politiques et philologiques. Le troisième volume comprend des corrections et des commentaires concernant la grammaire et l’étymologie qui découlent de l’examen conjoint des langues ancienne et moderne. Le quatrième volume traite de l’étude de l’histoire des mots et du rapport entre philologues et philosophes. L’avant-propos de l’édition des Mythes d’Esope (1810) est assez caractéristique : Il traite de la théorie du mythe et de l’histoire des collections de mythes depuis l’antiquité classique jusqu’à la production byzantine et européenne moderne, du roman d’Esope (Vie d’Esope) et des anecdotes sauvées, des avantages et des sources des différentes éditions antérieures, des imperfections des éditions et de la difficulté de trier le matériel à éditer qui provient de différentes sources mythologiques. Dans l’édition d’Esope, ainsi que dans la majorité des autres, l’instinct philologique-éditorial habituellement infaillible de Koraïs le poussait occasionnellement à faire des références à la question de l’acquisition du texte classique au cours des siècles postérieurs. En utilisant une formule inversée, nous dirions qu’avec son instinct philologique il est arrivé à satisfaire, ne fut-ce qu’à moitié, les critères de l’esthétique de l’acquisition dont parle Manfred Fuhrmann concernant l’examen littéraire insuffisant par la science philologique classique contemporaine. A juste titre, la critique littéraire fit particulièrement mention de la nouvelle sur Papatrechas, dans l’avant-propos de l’édition de Volisso de l’Iliade d’Homère.

     Avec ses avant-propos, il veille à contribuer des éléments nouveaux. Ainsi, dans l’ « Avant-propos de la Géographie de Strabon », en plus de la revue des éditions précédentes de l’ancien géographe, défilent les sources anciennes de son œuvre accompagnées de plusieurs informations relatives à l’histoire littéraire qui suffisent, à elles seules, à démontrer la nécessité de la nouvelle édition Koraïque. Dans l’avant-propos de la seconde édition du Περί αέρων, υδάτων, τόπων d’Hippocrate , « Koraïs tentait une intervention dynamique dans la culture médicale néohellénique, invitant les jeunes étudiants à suivre la voie d’Hippocrate et non celle des médecins « charmeurs » qui foisonnaient, déjà, en Grèce. Cela signifiait qu’en tout premier lieu, il était de leur devoir de moderniser et d’humaniser la pratique de leur science » : La tradition hippocratique classique en tant que fondement de l’éducation médicale humaniste.

     Voilà ce qui constitue, plus ou moins, la thématique des notes imposées dans les éditions Koraïques. Au fur et à mesure que la collection progressait, la guerre de la renaissance nationale ayant éclaté, Koraïs insistait moins sur les éléments relatifs à l’édition et aux codes, mettant l’accent sur la conscience patriotique.

     Dans un article encyclopédique fondamental dont nous disposons sur le vieux sage de Chio, Pantelakis énumérait les critiques d’hellénistes étrangers sur l’œuvre de Koraïs, telles que celle du Suisse Sinner sur l’édition française des Caractères de Théophraste (à savoir que l’introduction se distingue pour le travail philologique et l’érudition bibliographique). En tant que texte philologique, les « Αυτοσχέδιοι Στοχασμοί » ont été louées par les érudits contemporains de Koraïs et, particulièrement, par K. Vardalachos. Dans la réédition des Avant-propos par le MIET, les notes d’introduction de K. Th. Dimaras, Emm. N. Frangiskos, L. Droulia proposent une brève présentation des principaux points de la pensée et des arguments de Koraïs. Nous avons insisté sur le caractère philologique particulier des Avant-propos. Il semble que le genre littéraire du dialogue platonicien en tant que cadre d’expression d’idées ne laissa pas Koraïs indifférent ; en effet, l’on constate fréquemment que différents textes politiques interposés sont exprimés en tant qu’avant-propos revêtant la forme d’un dialogue. Dans l’ensemble, nous pouvons dire avec Emm. N. Frangiskos que, au travers de ces essais scientifiques (par rapport aux critères de l’époque et dans le sens de leur caractère original dans la bibliographie grecque) parcourus d’un esprit rationaliste, « ces brillants témoignages de son érudition philologique et de sa subtilité -vertus depuis longtemps reconnues par les philologues européens- son intention était d’introduire les enseignants Grecs et les étudiants des lettres grecques aux divers problèmes des textes, d’ordre historique, philologique, éditorial, et de les guider afin de leur permettre de comprendre combien l’édition d’un auteur ancien est affaire importante et, en même temps, difficile, mais aussi à quel point le centre de gravité de l’apprentissage devait être déplacé des « bonnes grammaires » au contenu, aux « choses des textes », à savoir, à une matière se prêtant par excellence à l’exercice du jugement :  « l’enseignement de la langue grecque a pour objectif premier l’enseignement du contenu et ne s’occupe des mots que dans la mesure où il contrbuent à l’évaluation des choses, car, l’oeuvre de l’enseignant est de mettre, en même temps, dans la tête des jeunes la grande leçon de l’évaluation critique » (Avant-propos aux mythes d’Esope). C’est pourquoi les introductions ne furent pas rédigées dans le style du traité scientifique mais suivant la méthode inductive, l’art de la narration et la vibration d’un texte didactique », étant donné que « faire la démonstration de son savoir sur l’Antiquité ne fut pas un but en soi chez Koraïs, mais plutôt un moyen et une source de stimulations pour être chaque fois conduit vers l’objet qui monopolisait son attention, à savoir, la situation courante de l’Hellénisme. » Ainsi, dans l’avant-propos des Politiques d’Aristote, il s’efforça de concilier la pensée aristotélicienne avec les préceptes des Lumières, associant la société politique à l’homme-citoyen. Ses avant-propos contiennent des réflexions-préoccupations inépuisables sur l’éducation. C’est également pourquoi il ne s’agissait pas exclusivement d’un texte des Lumières françaises ni d’un produit stérile de la pédanterie parisienne, mais du fruit de son entrain et de sa préoccupation quant à la langue et l’éducation, parmi les intérêts que les spécialistes attribuèrent au courant néo-humaniste.  Dans tous les cas, dans ses conseils sur l’éducation formatrice de ses compatriotes, émanant de son amour pour sa nation, la contemplation philologique demeura un facteur essentiel et intégrant, puisque l’approche des classiques eut lieu sous l’angle d’un puissant sens moral (« moral sense ») associé à un intérêt actif sur tout ce que les historiens appellent présent et passé, sans exclure le degré historique du passé dans le contexte de l’examen conjoint des civilisations (principalement du monde classique grec ancien), ainsi qu’il est devenu clair dans les exemples précités. En d’autres termes, la préoccupation philologique première de Koraïs lors de la rédaction de ses avant-propos fut d’exalter la grandeur des ancêtres, de mettre en avant l’héritage ancestral et de le promouvoir parmi les descendants. Les avant-propos de Koraïs offrent des connaissances en grammaire, en histoire de la langue grecque et un savoir sur la réalité historique contemporaine, c'est-à-dire, tous ces éléments intéressants que, comme J. B. Bauer se targuait, le travail de la critique des textes pouvait offrir.