Karkavitsas Andreas
 
Biographie
 

Andreas Karkavitsas est né à Lechaina d’Ilie, en 1865.  Il était le fils ainé de Dimitrios Karkavitsas et d’Anna Skaltsa. Il avait quatre frères et quatre sœurs. Il apprit ses premières lettres dans son pays natal et, à l’âge de treize ans, il se rendit à Patras pour ses études secondaires. A Patras, il étudia la mythologie et la littérature grecques, surtout les auteurs des Îles Ioniennes et de la première Ecole d’Athènes. C’est à cette période que remonte son amour malheureux pour Iolandi Vasileiadi dont il s’inspira, dit-on, l’héroïne de Λυγερή (Ligeri) (1896). En 1883, il s’inscrit à la Faculté de Médecine de l’Université d’Athènes d’où il obtiendra son diplôme cinq ans plus tard.

A Athènes, Karkavitsas entre en contact avec les cercles littéraires qui collaboraient avec les revues de l’époque (Εβδομάς, Εφημερίς, etc.) (Semaine, Journal)  et fit connaissance avec Kostis Palamas, Konstantinos Chatzopoulos et Griogorios Xenopoulos. En même temps, il commence à étudier des auteurs Grecs et étrangers, la Νεοελληνική Μυθολογία (Nouvelle Mythologie grecque)de Nikolaos Politis et Nana d’Emile Zola, entre autres. 

Le concours de nouvelle annoncé par Εστία (Estia), le poussa vers l’étude des mœurs et il voyagea dans des villages de Roumélie pour réunir des données folkloriques et historiques qu’il utilisa dans ses premières œuvres.  En 1889, il est mobilisé et, au cours de son service militaire à Missolonghi, il connut les conditions misérables de la vie dans la campagne grecque. Il enregistra ses impressions dans une série de notes de voyage qu’il mit en valeur dans sa nouvelle Ο Ζητιάνος (Le Clochard), en 1897. Il servit également comme médecin-officier de réserve et, en 1891, après la fin de son service militaire, il fut nommé médecin sur le navire à vapeur Αθήναι (Athinai), avec lequel il voyagea en Méditerranée, en Mer Noire, aux côtes d’Asie Mineure et de l’Hellespont.

Les expériences de cette période de sa vie sont contenues dans le journal de voyage ΣΑνατολή και Δύση ( A l ' Est et a l ' Ouest) et utilisées dans le recueil de nouvelles Λόγια της Πλώρης (Paroles de Bord) (1899). Depuis août 1896 jusqu’à 1921, il fut officier permanent de l’armée grecque et atteint le grade de médecin-chef. De ce poste, il continuera les voyages, avec des mutations continues que lui-même poursuivit (ce désir intense de voyager, il l’appelait lui-même αειφυγία (« fuite continue »). Il fut membre de la Société Nationale qui promouvait la Grande Idée et, la défaite dans la guerre gréco-turque, en 1897, fut une grande déception pour Karkavitsas.

Membre de l’Union Militaire en 1909, il participa au mouvement de Goudi mais, par la suite, il se tourna contre Venizelos. Il participa aux guerres balkaniques en tant que médecin militaire et, en 1916, s’opposa au mouvement de la Défense Nationale.  Le résultat en fut qu’il séquestré et, ensuite, exilé à Mytliène. Il regagna l’armée en 1920 et fut démobilisé deux ans plus tard, sur sa propre demande. Les privations de l’exile contribuèrent à ébranler son état de santé et, en 1922, il est mort de tuberculose du larynx.

Le parcours d’Andreas Karkavitsas dans les Lettres commença dans le contexte de la période décadente du romantisme d’Athènes. Plusieurs manuscrits de cette période, poétiques et en prose, en langue katharévoussa, sont conservés. Très rapidement, il adoptera les avis de Psycharis et se tournera vers la démotique.  Il devint populaire parmi les cercles littéraires en publiant, dès 1885, des articles au contenu varié et des nouvelles, dans plusieurs revues et journaux d’Athènes. Il veillait lui-même à l’édition de ses œuvres, corrigeant et complétant ses textes initiaux. En 1898, il a été primé au concours d’Εστία pour la nouvelle Πάσχα στα Πέλαγα (Paques aux Mers) et, en 1911, il reçut la Croix d’Argent.

    Sa prose se mouvait au départ dans le contexte de l’étude des mœurs idyllique comportant plusieurs éléments folkloriques ; progressivement, il se passa au réalisme aux éléments de réflexion sociale, Λυγερή (première publication en 1890) marquant un tournant où, à travers le personnage de l’héroïne, l’on distingue nettement la remise en question de la société pure du village. Avec Λυγερή et, plus tard, avec Ζητιάνος (1896), Karkavitsas passe de la réalité idyllique de ses premières nouvelles à l’anatomie réaliste des structures de la société rurale. Plus particulièrement, dans Ζητιάνος, la disposition dénonciatrice de Karkavitsas est assez prononcée. Son héros, Tziritokostas, mendiant professionnel, profite au mieux les superstitions des villageois, les trompe et les exploite. L’hypocrisie, l’intérêt et la méchanceté sont les principaux éléments qui composent la morale de cette personne. Le processus par lequel le héros déforme les membres de l’enfant qui est son assistant, pour le rendre invalide et pour qu’il puisse causer la pitié, est décrit d’une façon qui donne des frissons.

Ses nouvelles postérieures, qu’il réunit en deux volumes : Λόγια της Πλώρης (1899, les « marines ») et Παλιές αγάπες (Vieux amours) (1900) appartiennent au même champ de la nouvelle-étude des moeurs. Le recueil des vingt nouvelles marines de Karkavitsas (Λόγια της πλώρης) présente des caractères de marins Grecs vibrant de vie qui prennent des risques en mer, non seulement pour gagner la vie mais aussi à cause de ce besoin séculaire du voyage qui caractérise les Grecs. Avec force épique et dramatisation, Karkavitsas dépeint les dangereux combats des hommes de la mer, offrant un portrait vivant de la grandeur de la lutte du marin avec la mer. Dans Παλιές αγάπες, Karkavitsas stigmatise la misère et la pusillanimité des hommes de son époque. Sa dernière œuvre est Ο Αρχαιολόγος (L ' Archaiologue) (1904), qui est une présentation allégorique des rapports que la Grèce entretient avec son passé et ses voisins étrangers.

Aux environs de 1905, sa production littéraire diminue fortement, tendance qui se poursuivit jusqu’à la fin de la vie de l’auteur ; seule exception, la période de 1918 à 1920, lorsqu’il commença à s’occuper de l’écriture de textes scolaires, en collaboration avec Epaminondas Papamichaïl. Avant sa mort, il publiera encore deux recuils de nouvelles plus anciennes, à théme militaire (Διηγήματα για τα παλικάρια μας et Διηγήματα του γυλιού) (Diigimata gia ta palikaria mas, Diigimata tou gyliou) mais il n’arriva pas à achever Αρματωλός (Armatolos), un roman entamé en 1894.

Dans l’œuvre de Karkavitsas, la langue qui domine est la démotique, dans sa version modérée. La contribution de l’auteur à la défense de la démotique remonte à 1892 (quatre ans après la publication de l’œuvre de Psycharis Το ταξίδι μου) (Mon voyage) lorsque, dans la préface de l’édition de son premier recueil de nouvelles, il prit position en faveur de la démotique. Par la suite, il participa à la fondation de la société «Η Εθνική Γλώσσα» (La Langue Nationale) (1905) et il était membre du Groupe Educatif et de la Société Folklorique de Nikolaos Politis. Cependant, il n’adopta jamais les extrémismes de Psyacharis et s’efforça de se tenir au milieu, entre les deux positions extrêmes en matière linguistique.

Andreas Karkavitsas appartient à la catégorie des auteurs de la génération de 1880 qui se tournèrent avec enthousiasme vers la vie des gens de la campagne. Dans la préface de son recueil Διηγήματα (Recits), il parle déjà avec enthousiasme des traditions et des coutumes qui « par centaines, vous entourent, vous posent des défis. »  Le double caractère de l’idéaliste et du réaliste -ainsi que remarqua Palamas- de l’écrivain Karkavitsas apparut dans ses premières nouvelles : « M. Karkavitsas est en même temps réaliste et idéaliste. Réaliste, car il reçoit son matériel de la mine inépuisable de la nature chantant autour de lui, des us, des coutumes, des traditions, des superstitions, des caractères du peuple grec [...] Idéaliste, car il se tourne vers le passé poétique, car il embellit le présent, s’inspire de l’héroïque, aime ce qui est grand et ne refuse point l’imaginaire. Et, alors qu’il entreprend de tourner notre attention vers la réalité, dont il nous offre une image étudiée d’avance et exacte, il nous libère en même temps du poids de la réalité et nous mène à respirer loin d’elle, et à l’oublier, dans des mondes étranges. »