Doukas Neofytos
 
Biographie
 

Néophytos Doukas est né aux environs de 1760 à Ano Soudena (actuellement, Ano Pedina) de Zagori d’Epire, de parents pauvres et pieux, Anastassios et Angeliki Doukas. A l’âge de dix ans, il entra en religion au Monastère d’Evangelistria qui se trouvait près du village, obéissant à la volonté de sa mère qui, quand il avait été gravement malade, l’avait consacré au monastère. 

Après deux ans de séjour au monastère, il fut ordonné diacre et, à dix-huit ans, il devint prêtre.  Il apprit ses premières lettres au monastère, mais sa soif d’apprendre le conduisit à Ioannina pour y mener des études supérieures à l’Ecole de Cosmas Balanos et, plus tard, à Metsovo, auprès du maître Dimitrios Vardakas. Après avoir épuisé le savoir proposé dans la petite ville de Metsovo, en 1786 (environ) il se rendit à Bucarest et étudia auprès de Lambros Fotiadis. Les années de son séjour à Bucarest furent des années de préparation intellectuelle fertile puisque, auprès de son grand maître, il forma ses convictions intellectuelles et linguistiques et jeta les fondations de sa formation philologique.

En 1803, il se rendit à Vienne, sur invitation de la communauté grecque de la ville, pour y assumer le poste du curé de l’Eglise de Saint-Georges.  Il y demeura pour douze ans et y déploya une activité remarquable pour devenir une des personnalités les plus éminentes de son époque. Dès les premiers mois de son séjour à Vienne, en même temps qu’il exerçait ses fonctions sacerdotales, il donna des signes d’une présence intellectuelle dynamique et fertile, surtout dans le domaine de l’édition. Il entreprit, sans succès, de publier un journal grec et, en même temps, lança un brillant travail d’édition.

Un autre aspect intéressant de son activité à Vienne consista en ses efforts de convaincre les Grecs de Vienne de fonder une école grecque dans la capitale autrichienne. En même temps, il mobilise les Grecs de Vienne et d’ailleurs pour fonder des écoles, primaires et supérieures, en Grèce. Les efforts qu’il déploie afin de fonder une école supérieure dans son pays natal, Zagori de l’Epire, sont remarquables. Cet effort, bien qu’il fut largement promu, ne fut jamais réalisé, à cause du début de la Révolution grecque.

A Vienne, il publia l’ensemble de son œuvre prérévolutionnaire.  L’œuvre d’auteur et d’édition de Doukas est volumineuse et multiforme, puisqu’elle couvre un large spectre des sciences théoriques : Philologie, philosophie, pédagogie, linguistique mais, aussi, physique. Avec ces nombreuses éditions, il couvrit dans une grande mesure les besoins éducatifs des enfants grecs et le manque de manuels scolaires pratiques. Du point de vue de la thématique, les éditions prérévolutionnaires des auteurs anciens ont trait à l’histoire grecque et romaine, à la philosophie grecque ancienne, à la rhétorique et à la mythologie ; du point de vue de la chronologie, elles couvrent une large étendue d’auteurs.

Sur la question linguistique, Doukas adopta la position prônant l’instauration progressive du grec ancien dans le discours écrit avec introduction de formes du grec ancien dans le vocabulaire moderne et l’élimination des mots étrangers.  L’archaïsme linguistique de Doukas est lié à la vision de la grandeur de la Grèce ancienne qui faisait qu’une partie des érudits Grecs étaient convaincus que, grâce à l’imitation, les Grecs pourraient se rapprocher de leurs glorieux ancêtres.  « Si l’on imite (utilise) des expressions, nous imitons les bons côtés des ancêtres et les ancêtres eu-mêmes », note Doukas dans un de ses textes.

Lors de son séjour à Vienne, il s’opposa à Koraïs, avec lequel il eut une longue confrontation. En même temps,  suite à ses positions « hérétiques » dans des questions de religion mais aussi à cause de la critique qu’il exerça sur de personnalités se trouvant à la tête de l’Eglise, il risqua d’être excommunié.

En 1817, il fut invité par les notables de Bucarest et assuma la direction de l’école grecque (Lycée) de la ville. Au cours de l’exercice de son mandat de directeur, il réorganisa l’école en mettant l’accent sur l’enseignement des cours relatifs à la langue et, tout particulièrement, sur la langue grecque ancienne. Il appliqua de nouvelles méthodes d’enseignement qui était assez progressistes pour l’époque. Sa personnalité, le prestige et la réputation dont il jouissait, principalement à cause de ses nombreuses éditions, permirent à l’école de fleurir.

Au-delà de son aspect lié à l’éducation, sa présence à Bucarest revêtait également une dimension sociale. Disposant de connaissances de haut rang parmi la société du Bucarest, il entreprit des efforts afin de fonder des institutions d’utilité publique, des hôpitaux, des orphelinats et autres.

Deux ans plus tard, il dut démissionner après avoir été victime d’une tentative d’assassinat perpétrée par un de ses ex-élèves. Une fois rétabli, il repris l’enseignement, en privé, et recommença à écrire. En même temps, il poursuivit ses efforts en vue de réunir des fonds pour créer une école supérieure à Zagori. A la même époque, à Bucarest, il vient en contact avec les dirigeants de la « Société des amis » (Filiki Etaireia) et, le 25-7-1819, il fut initié par Panagiotis Anagnostopoulos aux objectifs de la Société. De 1819 à 1821, il est un des deux contrôleurs de la Société à Bucarest et œuvre dans le secret le plus absolu à préparer la Révolution grecque.

Après l’échec de l’insurrection d’Ypsilanti, il se réfugia à Braciov de la Transylvanie voisine, où il demeura pour six ans en travaillant toujours pour la Révolution et en préparant de nouveaux ouvrages. En 1827, il regagna Bucarest où il continua d’enseigner à titre privé. En 1830, il envoya dix mille volumes de livres au Gouverneur Ioannis Capodistria en l’informant en même temps de son intention de regagner la Grèce libre.

En 1831, après pratiquement cinquante ans d’absence à l’étranger, il retourna en Grèce après un long voyage.  Il se préparait à rencontrer Ioannis Capodistria pour lui présenter ses projets d’établir une université.  Il allait donner tout l’argent qu’il avait pu épargner pendant son absence. Néanmoins, cette rencontre n’eut jamais lieu puisque, peu après son arrivée, il apprit que le Gouverneur avait été assassiné.

 Ce fait lui causa une peine profonde, mais il ne demeura pas inactif. Il s’établit à Egine, vieux et malade, et continua à œuvrer à l’éducation de ses compatriotes. Un an plus tard, il est nommé directeur de l’orphelinat d’Egine nouvellement bâti qui avait été fondé par Capodistria pour les orphelins de la guerre.  Il y enseignait gratuitement et prenait soin des orphelins tout en préparant l’édition de ses œuvres. Egine, comme Vienne, auparavant, est devenu son second quartier général intellectuel, où il déploya une brillante activité d’éditeur grâce à sa collaboration avec l’éditeur Andreas Koromilas qu’il avait aidé à établir une imprimerie dans l’île. Au cours de sa période éditoriale postrévolutionnaire, il publia des œuvres de poètes Grecs anciens, sur bon nombre desquels il avait travaillé au long des années précédentes, ainsi que d’autres textes à contenu philosophique, mais aussi des discours et des lettres qu’il avait lui-même rédigés dans le passé.

En plus de son travail d’éditeur et d’enseignant, lors de son séjour à Egine il déploya une activité sociale remarquable. Au moyen de centaines de lettres, il intervint sur différentes questions sociales et ecclésiastiques qui émergèrent. Il s’opposa à l’intention de l’état de donner à l’Eglise grecque l’indépendance par rapport au Patriarcat, en soumettant des mémoires et des lettres au Ministère de l’éducation et au saint-synode.  Il a été un des chefs de file responsables de la fondation de l’Ecole ecclésiastique Rizareios, puisqu’il persuada Georgios Rizaris de placer sa grande fortune à la disposition de cette fin. A titre honorifique et pour les grands efforts qu’il déploya pour fonder cette école, le gouvernement le nomma premier directeur. A la même année, le gouvernement d’Ioannis Kolettis le nomma membre du comité des affaires religieuses dont la mission était d’élaborer un projet de loi sur la question.

Le 20-12-1845, il mourut à Athènes et fut enterré à l’entrée de l’école Rizareios. La même année, le Parlement le proclama, à l’unanimité, bienfaiteur de la Grèce.