Solomos Dionysios
 
Biographie
 

La personnalité la plus importante de l’Ecole Ionienne et de toute la littérature néohellénique du 19ème siècle. Il est né à Zante, en 1798, de parents d’origines sociales différentes : le vieux comte Nikolaos Solomos et la jeune Angeliki Nikli, de classe populaire, qui travaillait chez lui. A l’âge de dix ans (1808), il est envoyé en Italie pour y étudier auprès de maîtres Italiens au Lycée de Crémone ; par la suite, il étudia le droit à l’Université de Pavie. En Italie, il aura des contacts avec des cercles littéraires et suivra de près la vie intellectuelle intense qui s’y développait. Il fait la connaissance de jeunes poètes et se lie d’amitié avec le poète néoclassique connu à l’époque, Vincenzo Monti, avec lequel -ainsi que nous le livre l’ami de Solomos, Iakovos Polylas, il était en désaccord concernant l’interprétation d’un vers de Dante. A l’avis de Monti, selon lequel « il ne faut pas penser tellement, il faut ressentir, ressentir », Solomos, alors âgé de vingt ans, rétorqua que « il faut d’abord que l’esprit conçoive avec force et, par la suite, le cœur doit resentir avec ferveur ce que l’esprit a conçu. »

Il commence à étudier des poètes Italiens contemporains mais aussi plus anciens, tels qu’Alfieri, Ponti, Manzoni, Foscolo, Dante, Pétrarque, qui exercent une profonde influence sur lui. Là, il commence à composer ses premières œuvres poétiques en latin et en italien et former sa conviction poétique. Dans le climat intellectuel de l’Italie, il connut de près la lutte intense qui opposa le romantisme au néoclassicisme et le conflit sur la question linguistique, fait qui influença par la suite son attitude face à la question linguistique grecque. Pour Solomos, l’éducation nationale présupposait la langue nationale du peuple. Il croyait en la valeur de l’art populaire et de la langue populaire, c’est pourquoi, de son retour à Zante en 1818, il s’empressa d’étudier la tradition populaire à travers les chants populaires, la littérature crétoise et la poésie de Vilaras et de Christopoulos.

L’évènement qui marqua un tournant dans la vie de Solomos fut sa connaissance, en 1822, avec Spyridon Trikoupis, qui arriva à Zante invité par Lord Guilford. Lors de cette rencontre, après avoir entendu Solomos lui lire une ode italienne, Trikoupis lui fit remarquer que sa vocation n’était pas d’occuper une place au Parnasse italien, mais de devenir le fondateur de la philologie grecque.  Ainsi, encouragé, il poursuivit l’étude de sa langue maternelle avec plus d’intérêt et commença à composer ses premiers poèmes en grec.  Ses poèmes de jeunesse (1818-1823) sont écrits en vers trochaïques ou iambiques qui rappellent la poésie italienne mais ils subissent également l’influence de la poésie de Christopoulos.

Lorsque la Révolution de 1821 éclate, le jeune poète Grec en est profondément secoué et elle deviendra la source de son inspiration. En mai 1823, transporté par l’enthousiasme lyrique, il composera en un mois, comme nous l’apprend Iakovos Polylas, l’Ύμνο στην Ελευθερία (Hymne à la Liberté), un poème spontané, fougueux qui l’établira comme grand poète. L’édition de l’Hymne, l’année suivante, rendit Solomos connu et populaire ; il a été traduit dans la majorité des langues étrangères, ce qui renforça le mouvement philhellène.

L’année suivante (1823), il composa l’ode Εις το θάνατο του Λόρδ Μπάιρον (A la mort de Lord Byron), voulant honorer le grand poète philhellène. La même année, il compose le Διάλογο où, avec beaucoup de ferveur, il plaide en faveur de la langue démotique et, peu après, la Γυναίκα της Ζάκυθος (1826), texte en prose à caractère satirique et visionnaire.

En 1828, il s’établit à Corfou où il travaille sur le poème Λάμπρος qu’il avait déjà entamé à Zante, sans jamais l’achever. 1833, année à laquelle il commence à écrire le Κρητικό, la première de ses grandes œuvres, est une date charnière pour Solomos car un procès familial vient troubler son calme. Le procès était mené par son demi-frère Ioanis Leontarakis, fils aîné fruit du second mariage de sa mère, qui voulait démontrer qu’il était fils du vieux Solomos et son successeur légitime. En dépit du fait que Solomos ait gagné le procès qui dura six ans, il en sortit psychiquement traumatisé et marqué pour le reste de sa vie. Le Κρητικός, une œuvre de maturité de Solomos, est « comme une confession de l’homme poète et nous révèle un sens entièrement nouveau du lyrisme, semblable à celui qui manifestaient simultanément plusieurs autres poètes éminents », note Linos Politis, et constitue « une pénétration des sources de l’ethnie, d’une conscience approfondie du discours néohellénique ».

A la même année, il entame la composition des Ελεύθερων Πολιορκημένων, le poème qui le préoccupa plus que tout autre, puisqu’il y consacrera plusieurs années de travail, jusqu’à son décès, sans jamais lui donner une forme achevée. En même temps, il compose Πόρφυρα qui demeura, lui aussi, inachevé. En dehors de ses grandes compositions poétiques, il composa également plusieurs autres poèmes, plus courts, en grec et en italien, inspirés des évènements de la Révolution (Η καταστροφή των Ψαρών) ou sociaux (Η φαρμακωμένη) et il traduisit des auteurs Italiens, principalement des poètes. Vers la fin de sa vie, il compose à nouveau des poèmes en italien.

Il mourra à Corfou, léguant une remarquable œuvre poétique, qui a été publiée par son ami proche, Iakovos Polylas, sous le titre de Ευρισκόμενα, en 1859.  Mais, une édition de l’ensemble de ses œuvres, en trois volumes, enrichie de manuscrits qui avaient été découverts plus tard, a été réalisée par Linos Politis.

Dionysios Solomos fut un poète et penseur éminent. Sa poésie condense en elle tous les éléments de la tradition poétique grecque. La Révolution de 1821 constitua la prime source de son inspiration, c’est pourquoi il s’efforça d’enregistrer au moyen de sa poésie les visions de sa nation combattante. Attaché à l’idée de la perfection, il s’efforça d’exprimer de la meilleure façon possible ses conceptions en matière de poésie, consacré aux idéaux de son art. Toute sa vie fut une lutte pour le perfectionnement de son œuvre. Toutefois, son intense désir de perfection de la forme nous a légué une œuvre en grande partie fragmentaire qui ne manque pas, néanmoins, de se distinguer par la profondeur de la pensée et la clarté de ses idées.

La personnalité poétique de Solomos eut une influence directe sur sa génération, puisque les poètes des Îles Ioniennes portent, profondément gravée dans leurs œuvres, la marque du grand poète de Zante. Tous les poètes postérieurs demeurent dans l’ombre lourde de Solomos.